IA et métier, transformer sans exclure
Face à l’essor de l’IA, la fonction RH confirme son rôle stratégique. Nolwenn Ahodi, DRH Métiers Advisory de KPMG, livre sa vision de l’IA comme levier de transformation, de performance collective, d’inclusion et de revalorisation des compétences humaines.
Q : Quel regard portez-vous sur la transformation IA ?
Nolwenn Ahodi : Pour moi, l’IA possède un effet catalyseur de différenciation et de compétitivité. Elle n’a pas vocation à remplacer les humains, mais au contraire à augmenter leur création de valeur.
Cette différenciation se jouera également sur l’état d’esprit vis-à-vis de son adoption. Nous parlons souvent de « growth mindset ». L’IA va amplifier cette dynamique en valorisant la curiosité, la remise en question, l’esprit critique. Mais tout le monde n’est pas égal face à la technologie, quelle que soit la génération, et c’est là que l’entreprise a un vrai rôle d’accompagnement.
Au fond, l’enjeu n’est pas tant technologique, il est profondément humain.
Q : En quoi le département RH est-il clé pourl’entreprise à l’ère de l’IA ?
N.A. : L’IA bouleverse en profondeur les organisations, leurs métiers et le rapport au travail. Elle impose de redéfinir la valeur du travail de l’individu dans l’entreprise : ses compétences dites « hard skills », bien sûr, mais aussi sa capacité à apprendre, à s’adapter, à collaborer. Notre rôle aux Ressources Humaines est clair : accompagner cette transformation et cette nouvelle façon de travailler, pour en faire un levier de développement individuel et collectif. Cela signifie accompagner chacun dans sa montée en compétences, anticiper les impacts, et veiller à ce que l’IA ne devienne pas un facteur d’exclusion mais au contraire une opportunité de grandir et de s’épanouir. C’est d’ailleurs au coeur de notre raison d’être chez KPMG, entreprise à mission.
Q : Comment l’IA transforme-t-elle les métiers du conseil ?
N.A. : Si l’IA redessine déjà nos offres, nos modèles de delivery et nos logiques de pricing, notre vrai challenge, comme celui de nos clients, est celui de la montée en compétences de nos collaborateurs. En effet, dans le conseil, nos services sont devenus hybrides, à la croisée du numérique et du jugement humain. Adopter l’IA dans nos métiers, c’est remettre au centre toute la valeur humaine de nos expertises : c’est plus d’innovation, de profondeur d’analyses, d’efficacité et de valeur pour nos clients. À condition d’avancer dans un cadre de confiance et éthique, deux critères non négociables pour notre Cabinet.
Q : Quelles initiatives concrètes mettez-vous en place chez KPMG au sein du département RH ?
N.A. : KPMG a lancé un plan mondial de 5 milliards d’investissements composé de tech, d’upskilling et de nouvelles plateformes entraînées sur nos données, nos méthodologies et nos expériences sectorielles. Ainsi,100% de nos collaborateurs sont formés à travailler sur ces plateformes sécurisées, où nous développons progressivement nos propres agents IA.
Côté RH, nous nous appuyons par exemple sur l’IA pour cartographier les compétences nécessaires à l’évolution de nos talents ou encore l’analyse prédictive des besoins en formation. L’idée n’est pas de « faire de l’IA » pour le principe, mais pour améliorer l’expérience collaborateur avec un objectif précis. Ces initiatives ne peuvent toutefois réussir qu’avec un socle technologique solide et une culture de la donnée partagée.
Q : Quel regard portez-vous sur les impacts humains et sociaux de l’IA ?
N.A. : L’IA a un impact fort sur les jeunes diplômés, les stagiaires et les alternants. Ce sont eux qui, paradoxalement, sont les plus exposés. Leurs parcours académiques sont parfois remis en question, leurs acquis challengés. Cela questionne donc nos modèles. Les entreprises, comme notre Cabinet, portent ici une responsabilité sociétale et collective : celle de les accompagner, de les former, de leur donner les clés pour s’adapter et faire en sorte que l’IA devienne un facteur d’inclusion.